Pékin
Les c
loisonnés

La genèse d'un nouvel art décoratif


« J'ai vu des brûle-parfums, vases, boîtes, petits bols et autres appropriés pour les appartements d'une femme mais pas pour le cabinet d'un lettré. Ils sont aussi appelés objets des pays des démons » (Cao Zhao, 1388). Tel qu'on la connaît aujourd'hui, la technique du cloisonné ne se pratique pas en Chine avant le XVème siècle. Les premiers objets sont vraisemblablement importées d'occident par des marchands ambulants et exercent un véritable pouvoir de séduction en raison de la vivacité de leurs coloris. Certains lettrés jaugent avec mépris cette palette qu'ils trouvent arrogante, mais rien ne peut en freiner le succès et les copies se multiplient. Sous les Qing (1644-1911), beaucoup d'objets sont offerts aux temples bouddhistes ou lamaïstes, et les palais impériaux participent à cet engouement. Au XVIIème siècle à Pékin, pas moins d'une trentaine d'ateliers sont en activité et fournissent notamment la Cour qui réserve ces cadeaux à ses hôtes de marque. De cette époque, le Musée des Arts Décoratifs conserve la célèbre « jardinière Tissot » (de la collection David Weill), magnifique récipient ovale qui appartint au peintre du même nom. Conquis par son esthétique, James Tissot en fit une copie de style Art Nouveau qui est aujourd'hui conservée à Brighton.
Durant les règnes de Kangxi (1662-1722), Yongzheng (1723-1735) et Qianlong (1736-1795), la production est particulièrement importante. Comme sur les porcelaines, on trouve souvent au revers de ces pièces des marques... Qui sont inexactes ! La datation est donc peu fiable et c'est en comparant les styles et les décors que l'on parvient à situer les objets dans l'espace et le temps.

 

Les émaux cloisonnés


Un processus créatif lent et contraignant

La première phase consiste à établir la forme. Les récipients et les pièces de forme sont plutôt moulés alors que la vaisselle est obtenue à partir de feuilles métalliques. Aux alliages cuivreux de type laiton - sous les Ming (1368-1644) - se substitue progressivement le cuivre. Mais on peut également trouver du bronze, de l'argent ou de l'or ! Les motifs décoratifs sont ensuite dessinés à l'encre. Afin d'isoler la matière vitreuse qui les constitue, des cloisons verticales sont posées perpendiculairement à la surface de l'objet. Sous les Ming, elles sont obtenues par martelage et leur épaisseur est donc irrégulière, alors que sous les Qing, la technique du laminage leur assure une certaine régularité. Elles sont fixées par une soudure au plomb ou à la poussière d'argent jusqu'au XVIIème siècle, date à laquelle elles sont maintenues à l'aide d'une colle à base de laque.
L'artisan réduit l'émail en poudre et le colore avant d'en remplir la multitude d'alvéoles. Sous l'effet de la cuisson, la matière se vitrifie, adhère au métal et se rétracte. Afin de remplir l'ensemble des compartiments, il multiplie les passages au four tout en rajoutant de la matière au fur et à mesure. Une température trop élevée risquerait de faire fondre le réseau de cloisons et de réduire l'ouvrage à néant. Une fois les émaux posés, la pièce est polie et les parties métalliques apparentes sont dorées.

 


Le style des émaux


Evolutions stylistiques

Les premiers décors sont formés de six couleurs que l'on ne mêle jamais les unes aux autres : bleu turquoise, lapis lazuli, rouge, jaune, blanc opaque et vert foncé translucide. En les mélangeant, on étend considérablement la gamme chromatique. Dès le XVIème siècle, apparaissent des compositions florales d'un grand réalisme et tout naturellement, chacune des saisons trouve sa déclinaison : les pivoines chantent le printemps, le lotus incarne l'été, Les chrysanthèmes représentent l'automne tandis que l'hiver s'affiche sous les traits de camélias... C'est également à cette époque que se multiplient les motifs de rinceaux, les personnages - en général, des lettrés - et les animaux : les grues comme symboles de longévité, les lions ou les couples de canards pour le bonheur conjugal. L'essor démographique et économique entraîne le coût des émaux à la baisse, le prix des objets diminue et la production augmente. Mais il arrive que la qualité en pâtisse, que l'émail ne soit posé que d'un côté ou que son épaisseur s'amoindrisse.
Alors que la palette se restreint sous le règne de Kangxi, un nouveau coloris sort bientôt des ateliers impériaux. Le rose uni qui est obtenu grâce au pourpre de Cassius est rendu célèbre grâce à la porcelaine. L'ère Qianlong reste marquée par les nombreuses commandes de l'empereur qui fait recouvrir tous types d'objets de cet émail épais et lourd qu'il affecte tant. De la paire d'étriers au tabouret de jardin, du simple objet décoratif à la grande pièce de forme ! La palette est élargie à une vingtaine de coloris et on note un certain engouement pour des pièces zoomorphes qui sont utilisées comme brûle-parfums. L'âge d'or s'achève avec l'avènement du XIXème siècle. Des pièces sont encore produites pour les palais mais elles affichent une taille spectaculaire au détriment d'une réelle inventivité décorative.

Les ateliers de cloisonné nous enseignent la technologie des émaux sur métal. On soude des lamelles de cuivre sur un objet de bronze ou de cuivre. Les vides sont remplis d’émaux. Après l a cuisson, le bord des cloisons est poli et doré.

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