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Le CircuitLa Tunisie |
D'hier à aujourd'huiPartie intégrante du Maghreb et de l’aire arabo-musulmane, la Tunisie réunit nombre de traits contrastés qui lui confèrent une position particulière. Territoire relativement compact, espace ouvert et, à ce double titre, vieux foyer de civilisation, la Tunisie témoigne d’une imprégnation des plus marquées par la culture arabo-musulmane. Du moins, sa population se caractérise-t-elle par une remarquable homogénéité religieuse et linguistique. Musulmane, elle ignore les clivages religieux ou confessionnels qui affectent le Machrek. Arabe, elle ne connaît pratiquement pas les clivages linguistiques (arabophones/berbérophones) observables en Algérie et au Maroc. La Tunisie actuelle, l’ouest du Maghreb, fut, durant l’Antiquité et le Moyen Âge, la porte ouverte de l’Afrique du Nord sur le monde, par où pénétrèrent les civilisations phénicienne, romaine et arabo-islamique. Les guerres puniques qui, de 264 à 146 avant J.-C., opposèrent Rome à Carthage, avaient pour enjeu la domination de la Méditerranée occidentale et non celle du territoire africain. Après la destruction de Carthage par Scipion Émilien en 146 avant J.-C., les Romains créèrent cependant une province d’Afrique, limitée au nord-est de la Tunisie actuelle. La conquête romaine s’acheva quand César annexa le royaume numide en 46 avant J.-C. Il décida la restauration de Carthage, sous la forme d’une colonie romaine. D’autres colonies furent créées par Auguste, mais ce ne fut que sous les Flaviens (69-96) que commença l’essor de l’Afrique romaine. Les ruines des villes montrent l’ampleur de cette urbanisation: Sbeitla, Mactar, Dougga, El-Djem, Bulla Regia et, bien entendu, Carthage. Ces cités, souvent d’origine punique, se romanisèrent aussi juridiquement: leurs habitants reçurent la citoyenneté romaine. En brefL’histoire de la Tunisie est celle d’une nation d’Afrique du Nord indépendante depuis 1956. Mais elle s’inscrit au-delà pour couvrir l’histoire du territoire tunisien depuis la période préhistorique du Capsien et la civilisation antique des Puniques, avant que le territoire ne passe sous la domination des Romains, des Vandales puis des Byzantins. Le VIIe siècle marque un tournant décisif dans l’itinéraire d’une population qui s’islamise et s’arabise peu à peu sous le règne de diverses dynasties qui font face à la résistance des populations berbères. Par son emplacement stratégique au cœur du bassin méditerranéen, la Tunisie devient l’enjeu de la rivalité des puissances successives, l’Espagne de Charles Quint, le jeune Empire ottoman puis la France, qui prend le contrôle de la province ottomane pour devancer sa rivale italienne. Marquée par de profondes transformations structurelles et culturelles, la Tunisie voit s’affirmer rapidement un mouvement nationaliste qui conclut avec la puissance tutélaire les accords aboutissant à l’indépendance en 1956. Depuis, le pays est conduit à marche forcée vers la modernisation et l’intégration économique sous l’impulsion d’un parti politique resté dominant. Les grandes dates-1100 Les Phéniciens installent des comptoirs en Tunisie Grands commerçants maritimes, les Phéniciens fondent le comptoir d’Utique, non loin de Tunis. Durant cette période, ils se sont installés et s’installeront encore sur une grande partie des côtes africaines. -814 Fondation de Carthage D’après la légende, la reine de Tyr, Élissa, fonde la ville de Carthage. Déjà comptoir phénicien, la ville connaît un développement très rapide et domine peu à peu la totalité de la côte tunisienne et d’Afrique du Nord. -256 La guerre punique s’étend en Afrique Le consul romain Atilius Regulus décide de porter la guerre jusqu’en Afrique, espérant ainsi surprendre les Carthaginois. Le conflit, qui dure depuis déjà 8 ans ne donne aucun résultat, d’un côté comme de l’autre. Aussi, cette attaque pourrait certainement faire pencher la balance. Regulus débarque avec ses troupes au cap Bon, une riche région carthaginoise d’Afrique. Malgré les lourdes pertes essuyées par les Puniques, le consul romain est finalement arrêté et fait prisonnier par ses ennemis. -202 19 octobre Fin de la deuxième guerre punique Après avoir écrasé les Carthaginois en Espagne, le général romain Scipion débarque en Afrique du Nord en -204, afin de mettre à mal les Carthaginois. Pendant ce temps, Hannibal poursuit sa progression en Italie, sans trouver l’occasion d’écraser Rome. En difficulté, Carthage finit par appeler son général à l’aide. Hannibal rejoint aussitôt sa patrie pour la défendre mais se heurte au roi Numide, Massinissa, allié à Scipion. En -202, Hannibal essuie une défaite cuisante contre les forces ennemies à Zama. Carthage sera contrainte de céder l’Espagne et les îles méditerranéennes ainsi que de payer de fortes indemnités à Rome. À son retour, Scipion prendra le surnom de "Scipion l'Africain". -149 Scipion Émilien amorce la troisième guerre punique Depuis la seconde guerre punique, Carthage a retrouvé son rayonnement économique et suscite la méfiance de Rome. Aussi, Scipion Émilien entreprend de détruire définitivement la ville, lançant la troisième guerre punique. Il parviendra à forcer les portes de Carthage après un siège de trois ans. Les principales raisons qui peuvent expliquer ce troisième conflit sont la montée d’une politique démocratique influente qui dérangeait Rome, et les relations conflictuelles entre Carthage et le roi numide, Massinissa. Aussi, Rome aurait prétexté le non-respect d’un traité signé auparavant entre les belligérants pour lancer l’offensive. -146 Rome annexe la Tunisie Au lendemain de la troisième guerre punique, les Romains s’emparent de la Tunisie. Ils réduisent Carthage en ruines avant d’inclure la région à l’empire romain d’Afrique. Ils développeront d’ingénieuses méthodes agricoles, contribuant ainsi au développement économique et architectural du territoire. -146 Destruction de Carthage Après trois ans de siège, le Romain Scipion Émilien parvient à pénétrer dans la ville de Carthage. La cité entière est rasée et les survivants sont vendus comme esclaves. Les territoires carthaginois formeront la province romaine d’Afrique. Ainsi s’achève la troisième et dernière guerre punique. 533 Conquête byzantine de la Tunisie Le général Bélisaire s’empare de Carthage et chasse les Vandales. Ces derniers occupaient le territoire depuis 439. La région connaîtra une grande instabilité provoquée par une politique fiscale démesurée. 670 Okba ibn Nafi édifie Kairouan L’émir Okba Ibn Nafi fonde la cité de Kairouan. Quelques années plus tôt, les Arabes avaient déjà profité de l’instabilité régnante sous les Byzantins pour occuper les terres. Cette édification marque plus concrètement leur domination et provoquera de fortes révoltes berbères. Les combats aboutiront malgré tout à la prise arabe de Carthage en 695. 800 La dynastie des Aghlabides Ibrahim ibn el-Aghlab fonde sa dynastie et règne ainsi sur l’Ifriqiya (Tunisie, territoires annexes). Sous l’autorité nominale du calife de Bagdad, il établit sa capitale à Kairouan et la pare de monuments remarquables. Ses successeurs et lui-même s’appliqueront à développer les arts et la culture islamique. Ils pousseront plus tard leurs frontières jusqu’en Sicile mais seront finalement chassés par les Fatimides en 909. 1051 Les Fatimides envahissent la Tunisie Régnant déjà sur le Maghreb, les Fatimides s’affaiblissent et tentent de reprendre le contrôle en chassant de Tunisie la dynastie vassale des Zirides. Kairouan est ravagée tandis que la domination arabe s’intensifie. Toutefois, ces conflits mèneront à l’invasion des côtes par les Normands dont Abd el-Moumin, chef berbère almohade, viendra finalement à bout. 1236 Les Hafsides de Tunisie, vers l’indépendance Jusqu’alors vassale des Almohades, le gouverneur de la Tunisie Abou Zakariya met en place la dynastie des Hafsides. Profitant des conséquences de la bataille de las Navas de Tolosa, il déclare son indépendance et fait de Tunis sa capitale. La région portera désormais le nom de « Tunisie » et les Hafsides bénéficieront du titre d’ « émir des croyants ». S’en suivront quelques conflits avec les Chrétiens et les Espagnols avides de reconquête. Toutefois, la région bénéficiera d’une certaine prospérité jusqu’à la conquête ottomane. 1254 07 septembre Saint Louis rentre de croisade Le roi et son armée entrent à Paris le 7 septembre 1254 après six années de croisade. Déçu par son échec en Orient, Louis IX va alors s'efforcer de réformer son royaume. Seize ans plus tard, il repartira en croisade pour prendre sa revanche en Terre Sainte. Cette VIIIe croisade tournera court lors du siège de Tunis en 1270 : l'armée sera décimée par la peste qui emportera Saint Louis le 25 août. Charles d'Anjou ramènera en France le corps du roi qui sera enterré à Saint-Denis. 1270 25 août Saint-Louis s'éteint à Tunis Le roi Louis IX, dit Saint-Louis, meurt à 56 ans à Tunis lors de la VIIIème Croisade. Il avait déjà été le chef de la VIIème Croisade en 1248 qui s'était soldé par un échec. Célèbre pour sa piété et sa sagesse, il avait arbitré plus d'un conflit entre les princes d'Europe. En France, avec les enquêteurs et les légistes, il a posé les bases d'un pouvoir royal fort. 1534 Les Turcs prennent Tunis Barberousse pénètre les terres tunisiennes et envahit la capitale. Le roi hafside Moulay Hassan est secouru par Charles Quint qui en profite pour imposer son autorité sur lui et sur la région. Toutefois, les Turcs ne s’en tiendront pas là, ils prendront le dessus sur les Espagnols et récupèreront Tunis, asseyant ainsi leur domination sur le pays. 1705 Hussein ibn Ali prend le pouvoir tunisien Le bey Hussein ibn Ali met fin à la dynastie mouradite et instaure une monarchie absolue. Il fonde la lignée des Husseinites, qui règnera sur la Tunisie jusqu’en 1957. Ses successeurs tenteront de s’affranchir de l’autorité ottomane et bénéficieront d’une autonomie importante. Toutefois, durant le siècle suivant, le pays devra faire face aux difficultés financières et aux ambitions des pays européens. 1861 26 avril Mohammed es-Sadok Bey établit une Constitution La première constitution du monde arabe est promulguée par Mohammed es-Sadok. La Tunisie connut de grands changements durant les années précédentes, marqués notamment par l’abolition de l’esclavage. Cette Constitution suit plus ou moins le modèle occidental dans le but d’améliorer les relations internationales du pays. Toutefois, la Tunisie est fortement endettée et rapidement soumise à une commission financière internationale. 1881 12 mai La Tunisie sous protectorat français Le gouvernement français et le bey (souverain) de Tunis signent un traité au palais de Kassar Saïd, près du Bardo, dans la banlieue de Tunis. La Tunisie, sous la tutelle franco-italo-britannique depuis la crise financière de 1867, reconnaît alors le protectorat français. Dès le mois d'avril, les troupes françaises avaient envahi le territoire, sous prétexte que des Kroumirs franchissaient la frontière algérienne. Face à l'invasion, le bey de Tunis, Sadok bey, a fini par céder. Par ce protectorat, la France espère protéger ses positions en Algérie. 1934 02 février La naissance du Néo-Destour Habib Bourguiba fonde le Néo-Destour. Il est né d’une scission du Destour, mouvement nationaliste mis en place en 1920. Plus radical, il s’appuie sur un système démocratique tourné vers l’Occident. Le groupe sera vite confronté aux réactions françaises. Bourguiba sera arrêté et déporté. 1954 31 juillet Mendès France prononce un discours à Carthage Les émeutes nationalistes et les attentats ravagent le pays depuis plusieurs années. Afin d’apaiser les tensions, Pierre Mendès-France, alors président du Conseil français, prononce un discours retentissant à Carthage. Il propose d’instaurer dans le pays une autonomie interne. Il met ainsi un terme aux manifestations et à la violence. Plusieurs accords seront signés entre le ministre tunisien Tahar ben Hammar et Edgar Faure, concrétisant cette annonce. 1956 20 mars Indépendance de la Tunisie La France reconnaît l'indépendance de la Tunisie 18 jours après avoir reconnu celle du Maroc. Le traité du Bardo signé en 1881 qui établissait le protectorat français dans le pays est abrogé. La signature du protocole d'indépendance ne s'est pas faite sans heurts : deux colons français ont été assassinés et les attentats se sont multipliés. Après les élections d'avril 1956, Habib Bourguiba devient chef du gouvernement. Il proclamera la République tunisienne en juillet 1957 et en deviendra le premier président. 1956 13 août Décret du Code du statut personnel Bourguiba instaure le Code du statut personnel. Ce dernier abolit la polygamie et améliore la position de la femme au sein de la société et de son foyer. Le divorce judiciaire est mis en place et le mariage interdit aux jeunes filles de moins de 17 ans avec le consentement obligatoire de la mère. Il met ainsi en place l’égalité entre homme et femme, renforcée par des mesures établies en 1987. 1956 12 novembre La Tunisie intègre les Nations Unies La nouvelle Constitution tunisienne vient d’être adoptée par l’Assemblée. Le peuple tunisien détient désormais les pouvoirs législatifs. La Tunisie entre alors au sein des Nations Unies, scellant encore plus concrètement l’indépendance du pays. 1957 25 juillet La République de Tunisie est proclamée Au lendemain de la fin du protectorat français, la monarchie des beys est abolie et la République établie. Bourguiba devient alors le premier président de la Tunisie et conservera le pouvoir jusqu’en 1987. Ses premiers objectifs consisteront à libérer son pays de toute présence française, ce qui engendrera de nombreux conflits, parfois sanglants, entre les deux états. 1958 08 février Bombardement de Sakhiet Sidi Youssef En fin de matinée, onze bombardiers B 25 et six chasseurs français bombardent le village tunisien de Sakhiet Sidi Youssef à la frontière algéro-tunisienne. Le village est détruit, 62 civils sont tués et 130 personnes blessées. Au même moment, un convoi de la Croix-Rouge arrivait à Sakhiet pour y livrer des vivres. Plusieurs véhicules sont touchés. La communauté internationale est indignée. Le président tunisien Habib Bourguiba exige le retrait des troupes françaises de son pays. Le bombardement de Sakhiet Sidi Youssef est opéré en guise de représailles car, vers 9 heures du matin, un avion de reconnaissance française a été touché par l'ALN (Armée de Libération Nationale) algérienne. 1961 19 juillet Les Tunisiens assiègent Bizerte Les troupes tunisiennes envahissent la base navale de Bizerte, occupée par les Français. La réplique française, deux jours plus tard, sera particulièrement violente, faisant plus d’un millier de victimes. Sous la pression des Nations Unies, les deux camps cesseront le feu et entameront des discussions plus pacifiques. Ce n’est qu’en octobre 1963 que la France se décidera à évacuer la base. 1975 Mars Bourguiba président à vie L’Assemblée nationale décide de nommer Habib Bourguiba président à vie. Chacun s’accorde à considérer ce dernier comme le véritable fondateur de la Tunisie moderne. C’est ainsi qu’exceptionnellement, le président est autorisé à conserver le pouvoir jusqu’à sa mort. Il sera malgré tout exclu de la vie politique en 1987 par Ben Ali en raison, semble-t-il, de problèmes mentaux. 1978 26 janvier Émeutes violemment réprimées en Tunisie Le Premier ministre tunisien, Heidi Nouira, s’efforce depuis quelques années d’appliquer une politique plus libérale. L’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) s’oppose dès lors au Néo-Destour, parti unique de Bourguiba. Il organise une grève générale qui se termine très vite en émeute. Le gouvernement réplique par la violence, faisant plusieurs dizaines de victimes. Afin d’apaiser les tensions, le président Bourguiba autorisera le pluralisme politique quelques années plus tard. 1983 29 décembre « Émeutes du pain » en Tunisie Afin de rétablir une situation économique stable et solide, le président Bourguiba mit en place une forte augmentation des denrées alimentaires de base. Suite à cette décision, des émeutes ont lieu dans le pays, et notamment à Sfax et à Tunis. Plus de 70 tunisiens perdront la vie. L’état d’urgence sera décrété et Bourguiba sera contraint d’annuler les hausses établies. 1987 07 novembre Destitution de Bourguiba Le président à vie de la république tunisienne et déposé par le Premier ministre, le général Zine Ben Ali. Le Coup d'Etat non-violent fait suite à un rapport de médecins stipulant "l'incapacité physique et mentale du Combattant suprême. " A 84 ans Habib Bourguiba est contraint de quitter le pouvoir, Ben Ali devient quant à lui le nouvel homme fort de la Tunisie. 1989 02 avril Zine Ben Ali à la présidence Jusqu’alors Premier ministre, Zine Ben Ali est élu président de la République à la suite d’élections présidentielles et législatives. Afin d’apaiser les tensions soulevées par les mouvements islamistes, il avait autorisé ces derniers à s’y présenter. Il mènera ainsi quelques temps une politique démocratique et libérale mais préférera, dès 1990, un retour à la répression, notamment contre ces mêmes mouvements islamistes. Ben Ali sera réélu en 1999, puis en 2004. 2000 06 avril Décès de Bourguiba L’ancien président de la République tunisienne Habib Bourguiba décède à l’âge de 96 ans. Il sera inhumé deux jours plus tard à Monastir. Ses obsèques suscitent une certaine indignation tunisienne et internationale. On reproche en effet au gouvernement d’avoir déprécié la cérémonie. 2002 26 mai Zine Ben Ali fait modifier la Constitution Le président de la République tunisienne fait adopter une modification de la Constitution. Cette dernière permet désormais aux candidats présidentiels de se présenter jusqu’à l’âge de 75 ans et n’admet plus aucune limite du nombre de mandat. Sans cette réforme, le président ne peut envisager une réélection, qui sera d’ailleurs effective en 2004. Vingt ans après son arrivée au pouvoir, le président tunisien Zine Ben Ali règne d’une main de fer sur un pays qui possédait pourtant tous les atouts pour devenir la première démocratie du monde arabe et musulman. Lla dictature policière a pris en otage le pays et mis en coupe réglée son économie développant de nouvelles pratiques mafieuses qui s’accommodent mal d’une bonne gouvernance et d’une presse libre. |